Français
Ce document constitue le rapport final du mandat attribué à l’IRDP par la CIIP afin de proposer, dans le cadre défini par le rapport du GREF, une conception terminologique et un cadre curriculaire cohérents pour l’enseignement du français en Suisse romande. Pour ce faire, et suivant les différents points du mandat, les auteurs ont d’abord sélectionné, dans les différents pays francophones, les documents qui pourraient servir de corpus pour l’analyse (cf. Annexe 1) ; ils ont élaboré différents outils d’analyse, en particulier une grille permettant d’établir une liste des termes utilisés et de leur répartition dans les principales catégories d’analyse supposées par une grammaire «au sens large» (cf. Annexe 2) ; ils ont alors effectué l’analyse de 8 ouvrages parmi ceux retenus dans le corpus (ouvrages provenant de France, du Québec et de Suisse, concernant les degrés 4 à 7 selon les cas) et examiné de manière plus approfondie quelques notions perçues comme particulièrement problématiques.
Malgré certaines limitations de l’étude (cf. chapitre 5) et, en conséquence, les précautions à prendre dans l’interprétation des données, ces analyses mettent clairement en évidence un certain nombre de faits :
- le nombre (très) important de termes de nature métalinguistique que comportent la plupart des ouvrages (jusqu’à 486) ;- le nombre très inégal de termes que comportent les ouvrages examinés (entre 97 et 486) ;
- la grande diversité des termes utilisés et, a fortiori, en tout cas pour certains domaines de l’étude de la langue (texte et discours), le recoupement plutôt faible entre les termes retenus ;- la difficulté de distinguer ce qui relève à proprement parler d’une métalangue et ce qui constituerait plutôt une simple caractérisation descriptive des phénomènes langagiers et la difficulté, de ce fait, de définir précisément ce que les élèves doivent vraiment connaitre (difficulté renforcée, surtout, par le fait que les ouvrages restent bien souvent peu clairs à ce propos !) ;
- le traitement inégal qui est réservé aux différents aspects d’une grammaire au sens large avec, du point de vue des domaines, une sur- représentation de la terminologie concernant la syntaxe et, dans une moindre mesure, le texte (par rapport à la structure graphique et phonique de la langue et à l’étude de la langue / du langage en tant que tels) ; du point de vue des niveaux d’analyse une sur- représentation des termes désignant des catégories par rapport aux termes désignant des fonctions, des opérations et des procédures ;- l’existence de quelques zones «problématiques» pour lesquelles il est nécessaire de faire des choix (désignation des différentes fonctions de la phrase mais aussi du texte, suppression de certains termes, évitement des «doublons», etc.), parfois immédiatement possibles, parfois dépendants des options qui seront prises à propos des moyens d’enseignement.
Ces observations mettent ainsi en évidence la nécessité de définir des principes explicites et clairs, à même de fonder une terminologie et d’établir des objectifs pour l’enseignement/apprentissage terminologique qui soient en adéquation avec les orientations définies par le GREF : construction d’une compétence grammaticale «au sens large», inscrite dans les trois finalités générales de l’enseignement de la langue première : communiquer – réfléchir sur la langue et la communication – construire des références culturelles communes.
Sur cette base, les auteurs formulent par conséquent différents principes qui définissent ce que doit être, d’un point de vue didactique, une terminologie pour l'enseignement/apprentissage : l’ensemble explicitement délimité des termes et expressions métalinguistiques que les élèves doivent connaitre, activement ou passivement, quels en sont les contours : domaines (grammaire au sens large) et niveaux d’analyse (aspects formels, fonctionnels et sémantiques ; opérations et procédures ; distinction entre termes et caractérisations) à prendre en considération, les formes et degrés de maitrise qui doivent être attendus de la part des élèves, en relation au statut des termes (vs caractérisations) et avec le souci de réduire le nombre de ceux qui doivent faire l’objet d’un enseignement explicite et d’alléger par conséquent la terminologie «à apprendre» ; trois degrés ou types sont ainsi proposés : (1) Sensibilisation et compréhension en contexte ; (2) Maitrise «opératoire» ; et (3) Maitrise en termes de savoir.
Une conception curriculaire qui – sans surcharger les élèves avec des termes trop abstraits mais sans non plus tomber dans l’ «illusion de la simplicité descriptive» – fait démarrer les apprentissages terminologiques dès l’entrée à l’école, via des démarches qui permettent aux élèves de mettre en place une manière nouvelle, distanciée, d’approcher les faits de langue ; une conception qui postule parallèlement l’élaboration progressive, tout au long de la scolarité, d’un cadre explicatif général du fonctionnement de la langue et de la communication, fondé sur une terminologie de plus en plus systématique, explicite et rigoureuse, jusqu’à aboutir, à la fin du secondaire I, voire au-delà, à une culture commune partagée et opératoire.
En application de ces principes, mais étant donné aussi que les choix qui doivent être faits dépendent largement d’autres paramètres et, avant tout, de la politique engagée dans le domaine des moyens d’enseignement et de la formation, les auteurs explicitent les deux options qui leur semblent pouvoir être prises par rapport à la question terminologique. Concernant la recherche d’un moyen d’enseignement sur le marché francophone (option 1), le rapport devrait en effet être considéré comme une grille d’évaluation définissant les éléments qui paraissent décisifs pour le choix (voire, le cas échéant, les éléments qui devraient faire l’objet d’une négociation avec les éditeurs). Quant à l’élaboration de tout ou partie de ressources didactiques (option 2), le rapport devrait plutôt être considéré comme une sorte de guide, de cahier des charges, étant entendu que certaines décisions, certains choix ne peuvent être définitivement arrêtés que dans le cadre même de l’élaboration d’un moyen d’enseignement.
Enfin, en conclusion, les auteurs formulent 4 propositions qui viennent compléter les deux options mentionnées :
- Proposition 1: Elaborer un glossaire terminologique délimitant clairement quels termes doivent être activement connus et à quel moment du cursus et fournissant entre autres une définition des principaux termes, des exemples, etc., ainsi qu’une présentation des règles et/ou phénomènes qui font appel, d’une manière ou d’une autre, à ce terme.- Proposition 2 : Envisager des modules de formation (intiale et/ou continue) pour améliorer la formation des enseignant-e-s (aux degrés primaire, secondaire I et II).
- Proposition 3 : Examiner, en collaboration avec les enseignant-e-s concerné-e-s, la possibilité d’introduire un enseignement grammatical mieux défini et coordonné dans les écoles du secondaire II.- Proposition 4 : Poursuivre, de manière moins précipitée, le travail d’analyse et de réflexion dans un but plus éloigné d’harmonisation au niveau européen et contribuer ainsi, dans le cadre d’une pédagogie mieux intégrée des langues, à l’élaboration d’une grammaire «interlinguistique» utile à l’apprentissage des langues.
Le rapport réunit en annexe tous les matériaux et analyses sur lesquels se fondent les principes énoncés et les propositions formulées à l’intention des autorités scolaires.