Le conte de randonnée
Définition
Un conte de randonnée – genre qu'on trouve sous des noms différents comme conte en chaine, conte cumulatif, conte sériel ou histoire à formule – est une forme particulière de récit ludique fondé sur la répétition, qui permet de divertir en racontant une histoire imaginaire. La répétition peut se réaliser au travers de motifs sonores, lexicaux, syntaxiques et/ou narratifs (schème d'actions qui se répète).
La répétition peut consister en
- un ou des éléments répétés tout au long du conte (formules, sons, etc.; exemple: le refrain dans Loup, loup y es-tu?);
- une structure répétée tout au long du conte, dans laquelle s’ajoute chaque fois un nouvel élément (personnages supplémentaires, actions supplémentaires, comme dans les contes La moufle ou À la sieste tout le monde);
- une structure répétée tout au long du conte, dans laquelle certains éléments sont remplacés par d'autres (personnages, objets, etc.), comme dans Le machin;
- une structure répétée tout au long du conte, dans laquelle certains éléments sont éliminés (personnages, objets, etc.) comme par exemple dans Ils étaient cinq dans le nid.
Le conte de randonnée se caractérise ainsi par un jeu entre ce qui demeure et ce qui change. Souvent, on retrouve plusieurs des types de répétitions mentionnés ci-dessus dans un même conte.
Dans certains cas, le motif répété renforce la tension de l'histoire, qui se termine par une chute, sans qu'il y ait nécessairement résolution d'un conflit.
La répétition encourage la participation de l'auditoire à l'activité de narration, auditoire qui peut anticiper et dire avec le conteur ou la conteuse les passages répétés. Elle favorise également la mémorisation du conte.
Dans les contes de randonnée, la structure narrative est souvent fortement simplifiée, pouvant se réduire à un simple binôme tension (croissante) – chute. L'élément important est le motif répété et l'aspect ludique et rythmé du conte, et non la progression narrative. Le conte de randonnée peut parfois véhiculer des enseignements concernant l'ordre du monde et les interactions entre les êtres (exemple: le rôle décisif d'un personnage modeste dans Le navet géant).
Le conte de randonnée s'apparente à certains égards aux chansons traditionnelles du répertoire enfantin. Un effet comique peut parfois venir compléter le caractère ludique du conte de randonnée, comme c'est le cas de La grenouille à grande bouche.
Situation dans le cadre général des genres textuels
Le conte de randonnée relève des "textes qui racontent" et partage certaines caractéristiques avec les autres genres de ce regroupement, comme une augmentation de la tension narrative débouchant sur une résolution/chute.
Du fait que la structure narrative est souvent très simplifiée voire secondaire, il se distingue toutefois des autres genres caractéristiques de ce regroupement. Par ailleurs, par son caractère ludique, il se rapproche d'une certaine manière des textes qui jouent avec la langue.
D’un point de vue linguistique, ces contes peuvent mobiliser les temps du passé – comme dans les contes traditionnels – mais ils sont en général au présent.
Les contes de randonnée peuvent intégrer également des rimes, des onomatopées, des mots inventés, des virelangues.
Le conte de randonnée se distingue des autres formes de textes qui racontent selon les paramètres ci-après.
- Il n'y a souvent pas d'éléments d'ordre moral – comme dans le conte merveilleux – ou d'ordre historique – comme dans la légende.
- À la différence d'autres contes, la structure narrative est minimale et, dans certains cas, elle est juste un prétexte pour insérer les motifs répétitifs. Certains types de contes de randonnée peuvent rester sans une conclusion claire et sans résolution du problème (Petitat & Pahud, 2003).
- Le conte de randonnée est plus ludique que d'autres contes traditionnels (comme les contes merveilleux ou les contes étiologiques).
- La matière textuelle favorise l'oralisation, qui, plus que dans d'autres types de récits, fonde l'intérêt du conte de randonnée (Simonsen, 2013, p. 194).
Références citées
Petitat, A. & Pahud, S. (2003). Les contes sériels: ou la catégorisation des virtualités primaires de l'action. Poétique, 133(1), 15-34. doi:10.3917/poeti.133.0015.
Simonsen, M. (2013). Les randonnées (contes énumératifs) – Entre récits, virelangues et facéties. Estudis de Literatura Oral Popular. Studies in Oral Folk Literature, (2), 183-194.