Modèles didactiques des genres textuels
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Définition

La légende est un genre textuel qui prend appui sur des éléments factuels/réels (personnages, évènements, lieux, objets, animaux…), souvent remarquables. Elle vise à rendre compte de ces éléments dans un récit au caractère spectaculaire, qui frappe l'imagination par l’ajout d’éléments hyperboliques et/ou imaginaires. Le récit devient une légende, s'accomplit comme genre, via sa diffusion et sa transmission, plus ou moins fidèle ou déformée, de génération en génération et/ou d’un groupe social à un autre.

Selon le contenu du récit, on peut notamment distinguer les légendes de type étiologique (explication narrativisée de l’origine d'êtres et de choses existants), historique (récit d'évènements à caractère héroïque), religieux (vies de saints). Dans cette définition, seules les légendes de type étiologique et historique sont traitées.

La légende s’ancre dans une réalité à partir de laquelle l’imagination populaire et/ou littéraire affabule, par exemple en magnifiant les faits et gestes d’un personnage historique (Guillaume Tell, Winkelried, Farinet…) ou en personnifiant les forces de la nature par le recours au surnaturel et à l’imaginaire, parfois dans le but d'orienter les comportements humains (Le Pont du Diable, la Vouivre…). Ainsi, la légende fait intervenir dans certains cas des êtres divins (Dieu, diable, ange, etc.) et/ou des créatures fantastiques (loup-garou, spectre, géant, etc.), qui peuvent témoigner de terreurs et/ou de croyances ancestrales irrationnelles.

La légende se situe dans un cadre spatiotemporel souvent précis et réel. Cet ancrage dans le temps et, surtout, dans un espace familier contribuait originellement à emporter l’adhésion et à conforter la cohésion d’une société inscrite dans un même système de représentations et de croyances. Pour renforcer cette adhésion, il arrive que la légende indique les sources qui l'ont inspirée, cite un témoin direct de l'histoire (Moi, dit l'informateur, j'ai connu cet homme qui avait été vendu au diable. Joisten, 2010), prenne elle-même la forme d'un témoignage, ou affirme explicitement son authenticité (Voilà véritablement pourquoi le lac d’Omène s’appelle le Lac Noir. Fontaines, 1933).

Mêlant le vrai et le faux, le réel et le merveilleux, la légende, surtout historique, permet d'exprimer des valeurs culturelles et parfois morales tout en divertissant et/ou en marquant émotionnellement ses destinataires. La légende contribue ainsi à l'ancrage mémoriel de valeurs liées à un groupe social (nation, localité, voire microgroupe).

La plupart des légendes sont d’origine orale et donc anonymes. Nombre d’entre elles ont été transcrites par des auteurs/autrices qui leur ont conféré une stabilité narrative, sans toutefois empêcher l’émergence de variantes.

Les légendes peuvent être dites (veillées contes et légendes, diffusion audio/audiovisuelle, etc.) ou lues dans des ouvrages dédiés. Par ailleurs, elles sont souvent présentées aujourd'hui dans des formats diversifiés tels que dessin animé, album, BD, etc. Ces formats ne sont pas traités dans ce modèle. 

Situation dans le cadre général des genres textuels

La légende relève des "textes qui racontent" et partage plusieurs caractéristiques avec les autres genres de ce regroupement, notamment la présence d’une série d'évènements causalement et temporellement liés. Certaines légendes, en particulier celles qui mettent l’accent sur un évènement ou un personnage historiques, ont une structure narrative bien marquée (cf. schéma narratif).

D’un point de vue linguistique, la légende recourt au système des temps du récit (à l'écrit, en général passé simple/imparfait; à l'oral, présent ou passé simple/imparfait ou passé composé/imparfait). Elle comporte des séquences descriptives et narratives, parfois des dialogues et/ou des paroles rapportées indirectement. Pour contextualiser et ancrer l'histoire (établir un lien avec la situation actuelle, décrire la conséquence des actions présentées dans le récit), la légende comporte généralement des séquences au présent, souvent au début et surtout à la fin du texte.

La présence du narrateur/de la narratrice peut être marquée, par exemple quand la personne qui narre se présente comme garante de la véracité de ses dires ou lors de performances publiques (je vais vous raconter…). Par ailleurs, l’emploi du on comme énonciateur virtuel de l’opinion commune liée à un lieu et une époque est fréquent (on raconte qu'à cette époque/dans cette vallée…). Ce genre mobilise un vocabulaire en lien avec le paysage, la toponymie et l’époque où l’élément factuel se situe, et/ou, le cas échéant, en lien avec le monde du merveilleux.

Souvent confondue avec d’autres genres du même regroupement, la légende s’en distingue cependant par les points ci-après.

  • Contrairement au conte merveilleux et au mythe, qui présentent un cadre spatiotemporel peu défini et irréel, des personnages stéréotypés, un monde purement fictionnel qui est d’emblée accepté comme tel, la légende s’inscrit dans un cadre spatiotemporel précis et réel, met en scène des personnages historiques ou recourt à des créatures imaginaires auxquelles les communautés à l'origine de la légende pouvaient croire.
  • Contrairement au mythe cosmogonique qui cherche à expliquer la naissance du monde, l'origine des choses, etc. en se fondant sur des constructions imaginaires, la légende est ancrée dans l’existant ou dans la réalité historique, pour donner naissance à une "histoire".
  • Contrairement au récit fantastique qui se présente d’emblée comme une fiction faisant intervenir le surnaturel comme mise en doute de la cohérence du réel, la légende prétend à une certaine véracité de son discours tout en recourant au surnaturel pour expliquer ce qu’on ne comprenait pas.
  • Contrairement à l’épopée qui est un long récit en vers ou en prose, la légende est plutôt un récit bref.

Par ailleurs, la dimension fabulatrice de la légende la distingue d’autres genres proches mais appartenant au regroupement des "textes qui relatent", tels que le témoignage, l’anecdote et le fait divers.

N.B. On parle aussi de "légende urbaine" pour les récits brefs, des rumeurs, qui se répandent aujourd'hui de bouche à oreille ou par Internet. 

 

Références citées

Joisten, Ch. (2010). « Lou Dana, l’enfant vendu au diable par son père », dans Êtres fantastiques de Savoie. Patrimoine narratif de la Haute-Savoie, Musée Dauphinois.

Fontaines, C. (1933). L’âge d’or au pays de Gruyère, Éditions fribourgeoises.

 

Dernière mise à jour: 10.07.2023 à 10:31
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